Gestion des Voies Aériennes Supérieures de l’enfant

Recommandations Formalisées d’Experts 

GESTION DES VOIES AERIENNES DE L’ENFANT
MANAGEMENT OF THE CHILD’ S AIRWAYS
2018

RFE communes SFAR – ADARPEF
Société Française d’Anesthésie et de Réanimation
Association des Anesthésistes Réanimateurs Pédiatriques d’Expression Française

Auteurs : C Dadure, N Sabourdin, F Veyckemans, F Babre, N Bourdaud, S Dahmani, M De Queiroz,
JM Devys, MC Dubois, D Kern, A Laffargue, M Laffon, C Lejus, K Nouette-Gaulain, G Orliaguet, E
Gayat, L Velly, N Salvi, C Sola.
Coordonnateurs d’experts :
SFAR : Christophe Dadure
ADARPEF : Nada Sabourdin, Francis Veyckemans
Organisateurs : SFAR : Etienne Gayat, Lionel Velly ADARPEF : Anne Laffargue
Groupe d’experts de la SFAR (ordre alphabétique) : Nathalie Bourdaud (Lyon), Christophe Dadure (Montpellier), Souhayl Dahmani (Paris), Jean-Michel Devys (Paris), Marc Laffon (Tours), Corinne Lejus (Nantes), Karine Nouette-Gaulain (Bordeaux), Gilles Orliaguet (Paris).
Groupe d’experts de l’ADARPEF (ordre alphabétique) : Florence Babre (Bordeaux), Mathilde De Queiroz (Lyon), Marie-Claude Dubois (Paris), Delphine Kern (Toulouse), Anne Laffargue (Lille), Nada Sabourdin (Paris), Nadège Salvi (Paris), Chrystelle Sola (Montpellier), Francis Veyckemans (Lille).
Groupe de Lecture : Maryline Bordes (Bordeaux), Frédéric Duflo (Lyon), Jean-Claude Granry (Angers), Fabrice Michel (Marseille).

Auteur pour correspondance : Christophe Dadure, DAR Femme-Mère-Enfant, Hôpital Lapeyronie, Université de Montpellier, Institut de Neuroscience de Montpellier, 34285 Montpellier cedex 5, France
Texte validé par le Conseil d’Administration de la SFAR (12/06/2018) et de l’ADARPEF (24/05/2018).

RESUME :

A ce jour, plus de 50% des événements critiques périopératoires de l’enfant sont d’origine respiratoire. La bonne gestion des voies aériennes de l’enfant lors d’une anesthésie générale fait partie des préoccupations majeures des anesthésistes réanimateurs.
Les objectifs de ces Recommandations Formalisées d’Experts étaient d’apporter une modification ou amélioration des pratiques cliniques répondant aux évolutions techniques dans la gestion des voies aériennes supérieures de tout enfant, mais également, de valider au niveau national des connaissances reconnues dans la littérature ou auprès de sociétés savantes internationales. Par ailleurs, un point particulier a abordé la gestion des VAS de l’enfant enrhumé, potentiel facteur de risque en anesthésie pédiatrique.
Parmi les recommandations, les experts recommandent l’utilisation préférentielle des dispositifs supraglottiques lors des interventions superficielles de courte durée avec monitorage de la pression du coussinet si possible. L’utilisation de sonde à ballonnet est préférable lors de l’intubation trachéale avec monitorage de la pression du ballonnet. L’intubation doit être systématique pour une chirurgie d’amygdalectomie chez l’enfant. La place des vidéolaryngoscopes est précisée lors de l’intubation difficile. L’utilisation des curares est redéfinie que ce soit durant l’induction à séquence rapide ou lors d’une anesthésie classique avec intubation orotrachéale. Pour l’enfant enrhumé, les experts recommandent l’utilisation préférentielle, si possible, du masque facial comparé à la sonde d’intubation ou dispositif supraglottique et, pour l’enfant de moins de 6 ans, la nébulisation de salbutamol avant l’anesthésie générale.
Le but final de ces recommandations est d’envisager une diminution de la morbi-mortalité respiratoire de l’anesthésie des enfants par une amélioration des pratiques cliniques quotidiennes.

INTRODUCTION

1. Contexte

Les enfants sont anesthésiés dans tous les types de structures hospitalières par des médecins anesthésistes-réanimateurs dont l’expérience en anesthésie pédiatrique est variable (1). La gestion des voies aériennes (VAS) de l’enfant lors d’une anesthésie générale fait partie des prises en charge majeures de la pratique clinique en anesthésie réanimation. Les données européennes récentes de l’étude APRICOT ont confirmé qu’à l’heure actuelle plus de 50% des événements critiques périopératoires de l‘enfant sont encore d’origine respiratoire (2). Une amélioration de la prise en charge des voies aériennes devrait diminuer la morbidité/mortalité en anesthésie pédiatrique.
La Société Française d’Anesthésie Réanimation (SFAR) a diffusé en 2005 un texte de Conférence d’Experts, concernant la prise en charge anesthésique pour l’amygdalectomie chez l’enfant (3). Un autre texte de Recommandations Cliniques Professionnelles a également été diffusé en 2000 pour les structures et le matériel d’anesthésie pédiatrique (4). Aucun texte concernant la gestion des VAS chez l’enfant n’a été diffusé à ce jour.
Depuis lors, de nouvelles techniques et connaissances sont apparues dans ce domaine de l’anesthésie réanimation qui sont de nature à modifier significativement les pratiques : émergence de nouveaux équipements (sonde à ballonnet basse pression, dispositifs supraglottiques), les nouveaux concepts d’induction à séquence rapide, l’utilisation ou non de curare lors de l’intubation.
Ainsi la rédaction d’un texte faisant le point sur ces nouvelles données, plus de 10 ans après les dernières recommandations ou conférences d’experts, est apparue nécessaire afin de d’aider le clinicien dans sa pratique quotidienne.

2. Objectif

Les objectifs de ces Recommandations Formalisées d’Experts sont de recommander une modification ou amélioration des pratiques répondant aux évolutions techniques dans la gestion des voies aériennes supérieures de tout enfant, mais également, de valider au niveau national des connaissances reconnues dans la littérature ou auprès de sociétés savantes internationales. Par ailleurs, un point particulier a été abordé concernant la gestion des VAS de l’enfant enrhumé, potentiel facteur de risque en anesthésie pédiatrique. Le but final est d’envisager une diminution de la morbi-mortalité respiratoire de l’anesthésie des enfants.

3. Méthodologie

3.1. Recherche bibliographique et critères de sélection.

Les données de la littérature ont été sélectionnées sur les 15 années précédentes. Pour chaque question retenue, si au moins une méta-analyse était disponible, la recherche bibliographique était effectuée, à partir de la méta-analyse, sur les publications postérieures à celle-ci. Dans tous les cas, seuls les essais randomisés contrôlés permettaient de formuler une recommandation forte (niveau G1, voir ci- dessous). Comme cela est prévu dans la méthodologie GRADE, pour des questions ayant des implications majeures chez les patients (risque vital par exemple), une recommandation peut être formulée sur des données ne pouvant, pour des raisons éthiques, être validées par une méthodologie de type allocation randomisée.

3.2. Thèmes abordés :

7 groupes de travail ont été constitués afin d’aborder les sujets suivants :
– Dispositifs supraglottiques: leur place dans la chirurgie élective, dans l’amygdalectomie ou adénoïdectomie, pour la ventilation et/ou l’intubation difficile, les techniques de pose et de retrait, la comparaison entre les dispositifs de 1ère et 2ème génération.
– Sondes à ballonnet dans l’intubation de l’enfant : avantages, choix de la taille, mesure de pression du ballonnet.
– Vidéolaryngoscopes : place dans l’intubation simple et dans l’intubation difficile.
– Place des curares pour intuber un enfant : avantages et inconvénients pour l’intubation normale et difficile
– Intubation à séquence rapide chez l’enfant : nécessité de la pression cricoïdienne, curare, ventilation.
– extubation de l’enfant : vigile ou sous anesthésie, extubation après intubation difficile
– Gestion des VAS chez l’enfant enrhumé: intubation orotrachéale, dispositifs supraglottiques ou masque facial

3.3. Critère de jugement :

Pour chaque question, des critères de jugement ont été définis a priori.

3.4. Méthode GRADE.

En accord avec les recommandations de la SFAR, la méthode GRADE® a été utilisée pour l’élaboration des recommandations (5). Cette méthode permet, après une analyse quantitative de la littérature, de déterminer séparément la qualité des preuves, et donc de donner une estimation de la confiance que l’on peut avoir de l’analyse quantitative et un niveau de recommandation. La qualité des preuves est répartie en quatre catégories :
1- Haute: les recherches futures ne changeront très probablement pas la confiance dans l’estimation de l’effet.
2- Modérée: les recherches futures changeront probablement la confiance dans l’estimation de l’effet et pourraient modifier l’estimation de l’effet lui-même.
3- Basse: les recherches futures auront très probablement un impact sur la confiance dans l’estimation de l’effet et modifieront probablement l’estimation de l’effet lui-même.
4- Très basse: l’estimation de l’effet est très incertaine.
L’analyse de la qualité des preuves est réalisée pour chaque critère de jugement puis un niveau global de preuve est défini à partir de la qualité des preuves des critères cruciaux.
La formulation finale des recommandations est toujours binaire : soit positive soit négative et soit forte soit faible :
• Forte : Il est recommandé de faire ou ne pas faire (GRADE 1+ ou 1-)
• Faible : Il est probablement recommandé de faire ou de ne pas faire (GRADE 2+ ou 2-)
La force de la recommandation est déterminée en fonction de quatre facteurs clés et validée par les experts après un vote, en utilisant la méthode GRADE Grid.
1- Estimation de l’effet
2- Le niveau global de preuve : plus il est élevé, plus la recommandation sera forte
3- La balance entre effets désirables et indésirables : plus celle-ci est favorable, plus la recommandation sera forte
4- Les valeurs et les préférences : en cas d’incertitudes ou de grande variabilité, plus la recommandation sera faible ; ces valeurs et préférences doivent être obtenues au
mieux directement auprès des personnes concernées (patient, médecin, décisionnaire)
En cas d’absence d’évaluation quantifiée de l’effet, il a été proposé un avis d’expert dont la formulation est identique à celles proposées dans la méthode GRADE®.
La particularité de l’anesthésie pédiatrique, par la grande variation de poids et d’âge des enfants, engendre que la force des recommandations émises peut varier en fonction de ces critères. La population néonatale et de l’enfant prématuré a ses propres particularités différentes de l’enfant plus grand. Les présentes recommandations ne s’appliqueront donc pas à cette population spécifique.
Après synthèse du travail des experts et application de la méthode GRADE, 12 recommandations et 5 avis d’experts ont été formalisées par le comité d’experts désignés. La totalité des recommandations a été soumise au groupe d’experts. Après trois tours de cotations et divers amendements, un accord fort a été obtenu pour 100% des recommandations. Parmi ces recommandations, 6 ont un niveau de preuve élevé (Grade 1+/-), 6 ont un niveau de preuve faible (Grade 2 +/-) auxquelles s’associent 5 avis d’experts.
Ces RFE se substituent aux recommandations précédentes émanant de la SFAR, sur un même champ d’application. La SFAR incite tous les anesthésistes-réanimateurs à se conformer à ces RFE pour assurer une qualité des soins dispensés aux patients. Cependant, dans l’application de ces recommandations, chaque praticien doit exercer son jugement, prenant en compte son expertise et les spécificités de son établissement, pour déterminer la méthode d’intervention la mieux adaptée à l’état du patient dont il a la charge.
REFERENCES :
1. Constant I, Louvet N, Guye ML, Sabourdin N. General anaesthesia in children: a French survey of practices. Ann Fr Anesth Reanim 2012;31:709-23 (French)
2. Habre W, Disma N, Virag K, Becke K, Hansen TG, Jöhr M, Leva B, Morton NS, Vermeulen PM, Zielinska M, Boda K, Veyckemans F; APRICOT Group of the European Society of Anaesthesiology Clinical Trial Network. Incidence of severe critical events in paediatric anaesthesia (APRICOT): a prospective multicentre observational study in 261 hospitals in Europe. Lancet Respir Med. 2017;5 :412-25.
3. Constant I. Contrôle des voies aériennes lors de l’amygdalectomie. Ann Fr Anesth Reanim 2008;27:e14-e16 (French)
4. Recommandations pour les structures et le matériel de l’anesthésie pédiatrique. Société Française d’Anesthésie Réanimation 2000. http://sfar.org/recommandationspour-les-structures-et-le-materiel-de-lanesthesie-pediatrique (French)
5. Balshem H, Helfand M, Schünemann HJ, Oxman AD, Kunz R, Brozek J, Vist GE, Falck-Ytter Y, Meerpohl J, Norris S, Guyatt GH. GRADE guidelines: Rating the quality of evidence. J Clin Epidemiol 2011;64:401-6.

CHAMP 1 : Quelle est la place des dispositifs supraglottiques et sonde d’intubation en
anesthésie pédiatrique ?

R1 – Il est probablement recommandé d’utiliser un dispositif supraglottique plutôt qu’une sonde d’intubation en cas de chirurgie superficielle programmée de courte durée afin de diminuer l’incidence des laryngospasmes et des hypoxémies lors du retrait du dispositif. (Grade 2+) Accord FORT

ARGUMENTAIRE : En chirurgie programmée, deux méta-analyses ont étudiées la littérature des années 1990 à 2013 comparant sonde d’intubation versus dispositif supraglottique (1,2). Leurs conclusions sont différentes concernant le laryngospasme et l’hypoxémie. Luce (1) retrouve une différence significative dans l’incidence de ces 2 complications en faveur de l’utilisation des DSG, ce que ne retrouve pas Patki (2). Ces complications surviennent uniquement lors du réveil de l’anesthésie. Aucune différence n’est retrouvée lors de l’insertion du dispositif. Les deux méta-analyses retrouvent une incidence de toux postopératoire significativement plus faible avec un DSG. Plus récemment, Acquaviva et al n’ont pas retrouvé de différence en termes de complications respiratoires entre la gestion par sonde d’intubation ou dispositif supraglottique chez une population de 84 enfants âgés de 3 à 17 ans et bénéficiant d’une fibroscopie oeso-gastro-duodénale (3). Dernièrement, Drake-Brockman et al. ont réalisé une étude randomisée contrôlée comparant la sonde d’intubation et le masque laryngé chez 181 nourrissons (âgés de 2 à 12 mois) bénéficiant d’une chirurgie mineure (4). Les auteurs ont montré une diminution significative du nombre d’effets indésirables respiratoires périopératoires dans le groupe « masque laryngé ». Le risque relatif de ces effets indésirables était multiplié par 2,94 dans le groupe « sonde d’intubation ». Le risque relatif de laryngospasme et bronchospasme était quant à lui multiplié par 5 dans ce même groupe.
REFERENCES :
1. Luce V, Harkouk H, Brasher C, Michelet D, Hilly J, Maesani M, Diallo T, Mangalsuren N, Nivoche Y, Dahmani S. Supraglottic airway devices vs tracheal intubation in children: a quantitative meta-analysis of respiratory complications. Paediatr Anaesth. 2014;24:1088-98.
2. Patki A. Laryngeal mask airway vs the endotracheal tube in paediatric airway management: A meta-analysis of prospective randomised controlled trials. Indian J Anaesth. 2011;55:537-41.
3. Acquaviva MA, Horn ND, Gupta SK. Endotracheal intubation versus laryngeal mask airway for esophagogastroduodenoscopy in children. J Pediatr Gastroenterol Nutr. 2014;59:54-6.
4. Drake-Brockman TF, Ramgolam A, Zhang G, Hall GL, von Ungern-Sternberg BS. The effect of endotracheal tubes versus laryngeal mask airways on perioperative respiratory adverse events in infants: a randomised controlled trial. Lancet. 2017;389:701-708.

PAS DE RECOMMANDATION : Il n’y a pas d’argument en faveur du retrait du dispositif supraglottique chez l’enfant sous anesthésie profonde ou totalement réveillé.

ARGUMENTAIRE : Lors de l’utilisation d’un masque laryngé pour assurer la protection des voies aériennes, comme pour l’intubation, la période d’ablation du dispositif est une période à risque de complications respiratoires. La question de la période optimale d’ablation du dispositif, sous AG profonde ou totalement réveillé, a fait l’objet de plusieurs études randomisées. Toutes concernent des enfants ASA I ou II, la plupart pour des procédures en chirurgie ambulatoire. Une méta-analyse (1) comprenant 11 études avec des groupes d’enfants (analysés séparément) ou exclusivement pédiatriques n’a pas retrouvé de différence entre les deux techniques en ce qui concerne le risque de laryngospasme ou de désaturation, mais retrouve un risque supérieur d’obstruction des voies aériennes lorsque le masque laryngé est enlevé sous AG. Mais les études retrouvant ce risque ne rapportent pas d’évènements graves, l’obstruction étant rapidement levée par des manoeuvres simples comme la luxation de la mâchoire ou la pose d’une canule de Guedel.
Parmi les complications respiratoires relevées figurait la toux, dont le risque était supérieur lorsque le masque était enlevé réveillé. Les auteurs concluent qu’une technique ne peut être considérée comme supérieure à l’autre en ce qui concerne les complications « graves ». Cependant, en raison du risque plus important d’obstruction des VAS lorsque le masque laryngé est enlevé sous AG, ils préconisent une anticipation de ce risque. Récemment, Thomas-Kattappurathu et al. ont étudié, en plus du niveau de conscience, la position idéale (décubitus latéral ou dorsal) pour l’ablation du masque laryngé (2). Les auteurs retrouvent un risque plus important de désaturations lorsque le masque laryngé était enlevé en décubitus dorsal (dont 1 épisode à 66% avec stridor dans le groupe AG/ décubitus dorsal). Le risque d’obstruction des VAS était également plus important dans le groupe AG/ décubitus dorsal, mais sans conséquence grave. Ils ont également dans l’étude attribué un « score de gravité » aux événements respiratoires, (considérant que tous les événements recueillis ne représentaient pas le même risque pour le patient) et concluent que le risque de complications les plus graves survient en décubitus dorsal, que ce soit sous AG ou réveillé. Ils concluent que le décubitus latéral est préférable au décubitus dorsal, que l’on retire le masque laryngé sous AG ou réveillé. Enfin, dans une étude concernant la chirurgie dentaire (3), les auteurs recommandent l’ablation du masque laryngé réveillé, en raison d’une SpO2 moyenne moins élevée dans le groupe AG (p=0.04) et d’un plus grand
nombre de patients avec une SpO2 < 95% (p=0.003). C’est la seule étude qui concerne une chirurgie en bouche, « à risque » compte tenu de la présence potentielle de sang.
REFERENCES :
1. Mathew PJ, Mathew JL. Early versus late removal of the laryngeal mask airway (LMA) for general anaesthesia. Cochrane Database Syst Rev 2015 ; 8 : CD007082
2. Thomas-Kattappurathu G, Kasisomayajula A, Short J. Best position and depth of anaesthesia for laryngeal mask airway removal in children : a randomised controlled trial. Eur J Anaesthesiol 2015 ; 32 : 624-630
3. Dolling S, Anders NRK, Rolfe SE. A comparison of deep vs awake removal of the laryngeal mask airway in paediatric dental daycase surgery. A randomised controlled trial. Anaesthesia 2003 ; 58 : 1220-1234

R2 – Lors d’une intervention pour amygdalectomie, Il est recommandé de protéger les voies aériennes supérieures à l’aide d’une sonde d’intubation à ballonnet. (Grade 1+) Accord FORT

ARGUMENTAIRE : L’analyse de la littérature n’identifie pas de publications récentes justifiant une modification de cette recommandation. Les recommandations antérieures préconisent le contrôle des voies aériennes à l’aide d’une sonde d’intubation à ballonnet (1).
REFERENCES :
1. Constant I. Contrôle des voies aériennes lors de l’amygdalectomie. Ann Fr Anesth Reanim 2008;27:e14-e16

R3 – En cas d’intubation et de ventilation difficiles non prévues, il est recommandé d’utiliser un dispositif supraglottique pour tenter d’assurer l’oxygénation de l’enfant. (Grade 1+) Accord FORT

ARGUMENTAIRE : Chez l’enfant, les délais d’apparition d’une saturation en oxygène <94%, sont d’autant plus courts que l’enfant est jeune. La ventilation devient rapidement une urgence. De nombreux articles démontrent l’intérêt des dispositifs supraglottiques en cas de ventilation au masque facial impossible (1-3). Les hypoxémies peuvent être ainsi prévenues ou corrigées rapidement (4). Le dispositif supraglottique fait désormais partie des recommandations en cas d’intubation difficile ou de ventilation difficile au masque facial par les différentes sociétés savantes internationales, chez l’enfant et chez l’adulte (5- 8). Le risque de malposition du dispositif supraglottique, de traumatisme local et de taille incorrecte est à évaluer. Le nombre d’essais d’insertion d’un dispositif supraglottique doit être limité à 2 ou 3. En cas d’échec, une méthode d’oxygénation alternative doit être choisie. Chez l’enfant, en cas d’échec de la laryngoscopie directe ou indirecte après 3 à 4 essais, le dispositif supraglottique permet d’oxygéner l’enfant mais peut également être utilisé comme conduit pour faciliter l’intubation de la trachée. Une intubation avec fibroscopie peut être réalisée à travers le dispositif supraglottique par des praticiens entraînés (9,10). Dans ces conditions, la durée de l’intubation est inférieure à une minute et le taux de succès est élevé.
REFERENCES :
1. Priscu V, Priscu L, Soroker D. Laryngeal mask for failed intubation in emergency Caesarean section. Can J Anaesth 1992; 39: 893
2. Bradley AE, White MC, Engelhardt T, Bayley G, Beringer RM. Current UK practice of pediatric supraglottic airway devices – a survey of members of the Association of Paediatric Anaesthetists of Great Britain and Ireland. Paediatr Anaesth 2013; 23:1006-9.
3. Kheterpal S, Martin L, Shanks AM, Tremper KK. Prediction and outcomes of impossible mask ventilation: a review of 50,000 anesthetics. Anesthesiology 2009; 110:891-7.
4. Martin SE, Ochsner MG, Jarman RH, Agudelo WE, Davis FE. Use of the laryngeal mask airway in air transport when intubation fails. J Trauma 1999; 47:352-7.
5. Black AE, Flynn PE, Smith HL, Thomas ML, Wilkinson KA, Association of Pediatric Anaesthetists of Great B, Ireland. Development of a guideline for the management of the unanticipated difficult airway in pediatric practice. Paediatr Anaesth 2015; 25:346-62.
6. Law JA, Broemling N, Cooper RM, Drolet P, Duggan LV, Griesdale DE, Hung OR, Jones PM, Kovacs G, Massey S, Morris IR, Mullen T, Murphy MF, Preston R, Naik VN, Scott J, Stacey S, Turkstra TP, Wong DT, Canadian Airway Focus G. The difficult airway with recommendations for management–part 1–difficult tracheal intubation encountered in an unconscious/induced patient. Can J Anaesth 2013; 60:1089-118.
7. Frerk C, Mitchell VS, McNarry AF, Mendonca C, Bhagrath R, Patel A, O’Sullivan EP, Woodall NM, Ahmad I, Difficult Airway Society intubation guidelines working g. Difficult Airway Society 2015 guidelines for management of unanticipated difficult intubation in adults. Br J Anaesth 2015; 115:827-48.
8. Langeron O, Bourgain JL, Francon D, Amour J, Baillard C, Bouroche G, Chollet-Rivier M, Lenfant F, Plaud B, Scoettker P, Fletcher D, Velly L, Nouette-Gaulain K. Intubation difficile et extubation en anesthésie chez l’adulte. Anesth Reanim 2017 ;3 :552-571.
9. Kleine-Brueggeney M, Nicolet A, Nabecker S, Seiler S, Stucki F, Greif R, Theiler L. Blind intubation of anaesthetised children with  supraglottic airway devices AmbuAura-i and Air-Q cannot be recommended: A randomised controlled trial. Eur J Anaesthesiol 2015; 32:631-9.
10. Jagannathan N, Sohn L, Ramsey M, Huang A, Sawardekar A, Sequera-Ramos L, Kromrey L, De Oliveira GS. A randomized comparison between the i-gel and the air-Q supraglottic airways when used by anesthesiology trainees as conduits for tracheal intubation in children. Can J Anaesth 2015; 62:587-94.

R4 – Il est recommandé d’utiliser un manomètre pour monitorer la pression dans le coussinet d’un dispositif supraglottique gonflable et de limiter celle-ci à 40 cmH2O. (Grade 1+) Accord FORT

ARGUMENTAIRE : L’analyse de la littérature ne permet pas de déterminer quelle pression dans le coussinet il faut choisir, mais plutôt quelle pression il ne faut pas dépasser pour assurer une ventilation sans fuite et sans risque de complication. Une pression dans le coussinet < 40 cmH2O apparaît comme étant celle où les pressions de fuite sont les moins importantes, les volumes de fuite les moins importants et où les douleurs oropharyngées post opératoires sont les moins importantes (1-4). L’augmentation de la pression dans le coussinet au-delà de 40 cm d’H2O s’accompagne généralement d’une augmentation des fuites (3,5). Le contrôle de la pression dans le coussinet avec un manomètre est recommandé comme un « standard », les pressions à l’insertion pouvant être trop importantes si le coussinet est gonflé selon des critères « cliniques » (3,5,6). La mesure de la pression doit être répétée en cas d’utilisation de protoxyde d’azote.
REFERENCES :
1. Choi KW, Lee JR, Oh JT, Kim DW, Kim MS. The randomized crossover comparison of airway sealing with the laryngeal mask airway Supreme at three different intracuff pressures in children. Pediatr Anesth 2014;24:1080-87
2. Jagannathan N, Sohn L, Sommers K, Belvis D, Shah RD, Sawardekar A, Eidem J, DaGraca J, Mukherji I. A randomized comparison of the laryngeal mask airway unique in infants and children : does cuff pressure influence leak pressure ? Pediatr Anesth 2013;23:927- 33
3. Hockings L, Heaney M, Chambers N, Erb T, von Ungern-Sternberg B : Reduced air leakage by adjusting the cuff pressure in pediatric laryngeal mask airways during spontaneous ventilation. Pediatr Anesth 2010;20:313-17
4. Wong JGL, Heaney M, Chambers N, Erb T, von Ungern-Sternberg B. Impact of laryngeal mask airway cuff pressures on the incidence of sore throat in children. Pediatr Anesth 2009;19:464-69
5. Licina A, Chambers N, Hullett B, Erb T, von Ungern-Sternberg B. Lower cuff pressures improve the seal of pediatric laryngeal mask airways. Pediatr Anesth 2008;18:952-56
6. Schloss B, Rice J, Tobias J : The laryngeal mask in infants and children : What is the cuff pressure ? Int J of Pediatr Otorhinolaryngol 2012 ; 76 : 284-86

CHAMP 2. Sondes à ballonnet dans l’intubation de l’enfant.

R5 – Pour l’intubation trachéale, il est recommandé d’utiliser des sondes à ballonnet plutôt que des sondes sans ballonnet, et de monitorer la pression du ballonnet (sans dépasser 20 cmH2O). (Grade 1+) Accord FORT

ARGUMENTAIRE : Les résultats de plusieurs études prospectives (2 études randomisées et contrôlées au bloc opératoire, et 2 études cas-témoins en réanimation) (1-4), et d’une méta-analyse (5) concordent et suggèrent que l’utilisation des sondes à ballonnet chez l’enfant, plutôt que des sondes sans ballonnet, permet de réduire le taux de remplacement des sondes pour fuite excessive, sans augmenter l’incidence des complications respiratoires ou laryngées post-extubation (stridor, durée d’intubation trachéale, nécessité de réintubation après extubation programmée). De plus, l’utilisation des sondes à ballonnet favorise la ventilation en bas débit de gaz frais et réduit la pollution du bloc opératoire. Cependant, le Groupe Européen d’études sur l’intubation endotrachéale pédiatrique recommande de ne pas utiliser de sonde à ballonnet chez les enfants d’un poids inférieur à 3 kg (4,6).
REFERENCES :
1. Deakers TW, Reynolds G, Stretton M, Newth CJ. Cuffed endotracheal tubes in pediatric intensive care. J Pediatr 1994, 125: 57-62.
2. Khine HH, Corddry DH, Kettrick RG, Martin TM, McCloskey JJ, Rose JB, Theroux MC, Zagnoev M. Comparison of cuffed and uncuffed endotracheal tubes in young children during general anesthesia. Anesthesiology 1997, 86: 627-31.
3. Newth CJL, Rachman B, Patel N, Hammer J. The use of cuffed versus uncuffed endotracheal tubes in pediatric intensive care. J Pediatr 2004, 144: 333–7.
4. Weiss M, Dullenkopf A, Fischer JE, Keller C, Gerber AC; European Paediatric Endotracheal Intubation Study Group. Prospective randomized controlled multi-centre trial of cuffed or uncuffed endotracheal tubes in small children. Br J Anaesth 2009, 103: 867-73.
5. Shi F, Xiao Y, Xiong W, Zhou Q, Huang X. Cuffed versus uncuffed endotracheal tubes in children: a meta-analysis. J Anesth 2016; 30: 3-11.
6. Sathyamoorthy M, Lerman J, Asariparampil R, Penman AD, Lakshminrusimba S. Stridor in neonates after using the Microcuff and uncuffed tracheal tubes: a retrospectve review. Anesth Analg 2015; 121: 1321

CHAMP 3. Quelle est la place des vidéolaryngoscopes en anesthésie pédiatrique ?

Prérequis
– Un vidéolaryngoscope ne doit pas être utilisé si un des cas suivants est rencontré :
1) une ouverture de bouche du patient ne permettant pas l’introduction du dispositif
2) un rachis cervical fixé en flexion ;
3) un obstacle des voies aériennes supérieures avec stridor.
– Il est nécessaire de s’assurer de la possibilité d’introduire un vidéolaryngoscope dans la bouche avant d’induire une apnée chez l’enfant.
– Une désaturation < 95% impose l’arrêt des manoeuvres d’intubation au profit de celles permettant une oxygénation. En cas de risque avéré d’hypoxémie, le vidéolaryngoscope ne peut pas se substituer à un dispositif supra glottique.

R6 – Il est probablement recommandé d’utiliser un vidéolaryngoscope en premièreintention chez les patients avec intubation difficile prévue et ventilation au masque
possible ou après échec de la laryngoscopie directe afin d’augmenter les chances desuccès de l’intubation.(Grade 2+) Accord FORT

ARGUMENTAIRE : L’intubation difficile prévue chez l’enfant est une situation rare, définiepar des critères moins précis que chez l’adulte. Chez des enfants avec des antécédents d’intubation difficile ou des syndromes polymalformatifs (1-5), les vidéolaryngoscopes permettent d’améliorer la vision de la glotte, le score d’intubation difficile et d’augmenter le taux de succès d’intubation de la trachée dès la première tentative(6,7). La performance des vidéolaryngoscopes dépend du type de dispositif, de l’expertise de l’opérateur et du terrain (7).
Aujourd’hui, il est classique de décrire les dispositifs avec et sans gouttière, avec des caractéristiques propres, dont la maniabilité et la technique d’utilisation. Les vidéolaryngoscopes doivent être utilisés chez les patients avec des critères d’intubation difficile par des praticiens entraînés à l’utilisation de ces dispositifs.
Les manoeuvres laryngées externes pour améliorer l’exposition glottique sont facilitées par le vidéolaryngoscope avec écran déporté car leur effet est directement visible par l’aide qui peut ainsi ajuster son geste (8). Dans le cas de l’utilisation d’un vidéolaryngoscope sans gouttière latérale, le recours à un guide préformé non traumatique est recommandé pour diriger la sonde vers l’orifice glottique
Chez les enfants bénéficiant d’une prise en charge anesthésique répétée et ayant déjà nécessité l’utilisation d’un vidéolaryngoscope pour l’intubation de la trachée, le vidéolaryngoscope peut être utilisé en première intention (2). En l’absence de critère d’intubation difficile, le taux de succès et les délais pour intuber la trachée de l’enfant avec les vidéolaryngoscopes ne sont pas significativement différents de ceux obtenus en laryngoscopie directe avec la lame de Macintosh (9-11).
REFERENCES :
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CHAMP 4. Faut-il utiliser un curare pour intuber un enfant ?

R7 – Hors situations relevant d’une indication à une induction à séquence rapide et à l’utilisation d’un curare dépolarisant, il est probablement recommandé d’utiliser un curare non dépolarisant pour améliorer les conditions d’intubation au cours de l’anesthésie générale par induction intraveineuse chez l’enfant. (Grade 2+) Accord FORT

ARGUMENTAIRE : La conférence de consensus de la SFAR rédigée en 1999 ne recommandait pas l’utilisation de curare chez l’enfant que l’induction soit inhalatoire ou intraveineuse. De fait, l’absence d’utilisation de curare chez l’enfant est une pratique
courante en France (1), et de nombreuses combinaisons hypnotique/morphinique ont été rapportées (2).
Cependant, dans le cadre de l’induction intraveineuse, une méta-analyse des études randomisées chez l’enfant rapporte une amélioration des conditions d’intubation quand un curare est utilisé (3-10). De plus, les doses de morphinique ou d’hypnotique permettant l’intubation sans curare sont élevées et ont des effets hémodynamiques à ne pas négliger (6, 8, 11). Ces résultats confortent celui d’une étude de cohorte française (12). En référence à l’alerte de l’ANSM du 15/12/2017 (ansm.sante.fr) sur le suxamethonium, un curare dépolarisant ne doit pas être utilisé pour l’induction intraveineuse ne relevant pas d’une induction en séquence rapide. Lors de l’induction inhalatoire, la non-utilisation du curare chez l’enfant est très majoritaire en France (92%)(1). Dans ce cadre, la durée d’exposition au sévoflurane, sa concentration, le ou les agents associés au sévoflurane (à type de morphinique ± propofol) modifient la qualité des conditions d’intubation mais peuvent aussi retentir sur les paramètres hémodynamiques (2, 13-15). Dans tous les cas, une profondeur d’anesthésie suffisante et l’obtention d’une apnée sont les conditions de la réussite de cette technique (16). Cependant l’utilisation d’un curare lors d’une induction inhalatoire est envisageable, notamment chez le nourrisson, pour lequel une étude prospective randomisée ainsi qu’une étude d’assurance qualité de grande ampleur retrouvent un bénéfice à ajouter un curare sur les conditions d’intubation et les événements respiratoires [17,18]. Ces données autorisent l’utilisation de curare lors de l’induction inhalatoire chez l’enfant et plaident pour la réalisation d’études évaluant les circonstances pour lesquelles l’utilisation des curares pourrait être bénéfique. Ces bénéfices doivent être considérés à l’aune d’un risque allergique faible et méconnu (19,20) et de la maîtrise, par l’anesthésiste, de la curarisation et de la décurarisation chez l’enfant.
REFERENCES :
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CHAMP 5. Induction en séquence rapide chez l’enfant

R8 – Dans l’induction en séquence rapide classique, il est recommandé d’utiliser un curare d’action rapide. (Grade 1+) Accord FORT

R9 – Dans l’induction en séquence rapide classique, Il est probablement recommandé d’utiliser chez l’enfant la succinylcholine en première intention pour l’induction en séquence rapide. En cas de contre-indication à la succinylcholine, il est probablement recommandé d’utiliser du rocuronium. (Grade 2+) Accord FORT

ARGUMENTAIRE : Comme chez l’adulte, il est recommandé de limiter le temps entre la perte de conscience et la protection des voies aériennes supérieures par l’intubation [1,2]. Ce temps doit être court car la durée d’apnée sans hypoxémie est d’autant plus réduite que l’enfant est jeune [3]. L’utilisation de curare améliorant les conditions d’intubation, la technique d’intubation sans curare ou la technique d’induction inhalée ne sont pas recommandées. Concernant le choix du curare d’action rapide, la succinylcholine garde la préférence des experts. On rappelle les doses de succinylcholine en fonction de l’âge (<1 mois : 1,8 mg/kg, 1 mois < < 1an :2 mg/kg, 1 an< <10 ans :1,2 mg/kg, >10 ans :1mg/kg). Le rocuronium à une dose supérieure à 0,9 mg/kg [4], peut être une alternative à la succinylcholine, cependant il faut rappeler que le suggamadex n’a pas l’autorisation de mise sur le marché en pédiatrie en 2018. Ainsi, le choix entre succinylcholine et rocuronium reposera sur la durée de curarisation souhaitée, les difficultés prévisibles d’intubation et la présence et/ou le risque de méconnaitre une myopathie sous-jacente. Le curare le plus souvent comparé à la succinylcholine dans la littérature est le rocuronium du fait de son pic d’action rapide et des conditions d’intubation qu’il procure (5,6). La posologie est de 0,6 à 0,9 mg/kg (6). Une étude rétrospective de cohorte n’a pas mis en évidence de différence pour l’incidence des complications entre la succinylcholine et les curares non dépolarisants en termes de risque respiratoire et de difficultés d’intubation (7). Dans la dernière revue de la Cochrane qui évalue les conditions d’intubation du rocuronium et de la succinylcholine, la succinylcholine procure des conditions d’intubation équivalentes voire supérieures à celles obtenues avec le rocuronium malgré de nombreux biais dans les études (8). Cette revue conclut donc à la poursuite de l’utilisation de la succinylcholine (d’autant plus que sa durée d’action est plus courte) et à l’utilisation du rocuronium seulement dans les cas de contre-indications à la succinylcholine (8,9). Les contreindications à la succinylcholine sont le risque d’hyperthermie maligne, les pathologies musculaires à risque de rhabdomyolyse, l’hyperkaliémie, l’allergie et les situations à risque d’hyperkaliémie (6). Le sugammadex a montré son intérêt pour reverser les effets du rocuronium (10,11). En effet, Won a montré, dans une méta-analyse récente que le sugammadex permettait de raccourcir le temps moyen pour obtenir un ratio train-dequatre ≥ 0,9 et un temps d’extubation comparé à la néostigmine ou au placebo (10). Les conclusions des études quant au risque d’anaphylaxie sont contradictoires. L’étude de Reddy et al. montre que le risque d’anaphylaxie est semblable entre la succinylcholine et le rocuronium (12). Celle de Reitter et al. retrouve un risque supérieur avec la succinylcholine dans les résultats annexes de l’étude (13). Ce risque serait peut-être moindre avec l’atracurium et le cisatracurium mais existe (12,14). Par ailleurs, le risque anaphylactique avec le sugammadex ne semble pas négligeable (15,16).
REFERENCES :
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CHAMP 6. Extubation de l’enfant

PAS DE RECOMMANDATION : Chez un enfant intubé sans difficulté et sans facteur de risque d’inhalation, les données actuelles de la littérature ne permettent pas de trancher entre une extubation sous anesthésie générale profonde et une extubation chez un patient totalement réveillé.

ARGUMENTAIRE : Concernant l’extubation à l’éveil complet, les critères conventionnels d’extubation (respiration spontanée, régulière, pas de tirage, volume courant ≥ 5–8 ml/kg, fréquence respiratoire 12–25 c/min, décurarisation complète, SpO2 ≥ 95 % avec FlO2 ≤ 50 %, PEP ≤ 5 cmH2O, PaO2 > 60 mmHg, PaCO2 < 50 mmHg, Obtention d’une réponse verbale et motrice aux ordres simples, réflexe de déglutition récupéré) peuvent être adaptés chez l’enfant, mais souvent le jeune âge des patients ne permet pas d’obtenir une réponse motrice aux ordres simples (1). Quelques études pédiatriques décrivent précisément les critères recherchés avant extubation : un volume courant et une fréquence respiratoire satisfaisants pour l’âge, une grimace, une toux avec la bouche ouverte ou l’ouverture des yeux, des mouvements adaptés (2,3). Cette technique assure une protection contre une éventuelle inhalation et l’obstruction des voies aériennes supérieures avec la récupération des réflexes laryngés, mais peut être associée à une toux et une agitation, pouvant augmenter le risque de saignement post-opératoire, de réouverture de la plaie chirurgicale ou de désaturation et d’hypoxémie. Concernant l’extubation en anesthésie profonde, les seuls critères retrouvés dans la quasi-totalité des articles sont une ventilation spontanée efficace (basée sur une évaluation clinique de la ventilation ou un volume courant d’au moins 5 ml/kg et une fréquence respiratoire considérée normale pour l’âge), avec éventuellement un examen des yeux qui montrent des pupilles centrées et serrées (2). Certains auteurs envisagent même une extubation, en décubitus latéral, après reprise spontanée de la ventilation et ouverture des yeux, sans stimulation, dans le but de diminuer les laryngospasmes, désaturations et épisodes de toux (4). De plus, dans le cadre d’une extubation « endormi » tous les patients reçoivent encore un hypnotique. Certains auteurs
se basent sur la fraction expirée en gaz halogéné, d’autres sur la fraction inspirée, mais tous préconisent au minimum 1 MAC d’halogéné lors de l’extubation du patient (5-7). L’administration du gaz halogéné est arrêtée une fois le patient extubé. La littérature sur le sujet est relativement pauvre, et il est difficile de trancher pour une méthode ou l’autre à la lecture des divers articles. Toutes les études retenues pour cette question de cette RFE concernent uniquement l’extubation « facile », c’est-à-dire après intubation facile, et en aucun cas l’extubation après intubation difficile. Les complications retrouvées lors de l’extubation « éveillé » ou dans la phase post-extubation précoce sont assez classiques : laryngospasme, bronchospasme, hypoxémie ou désaturation périphérique, toux. Cependant, aucune des études retrouvées ne permet de conclure à un avantage d’une technique par rapport à l’autre. Il est important de connaître les risques de chaque technique pour essayer d’anticiper d’éventuelles complications, l’extubation « endormi »
exposant au risque d’apnées post-opératoires principalement obstructives alors que l’extubation « éveillé » expose davantage au risque de toux et douleurs laryngées postopératoires (2,3,7,8-12).
REFERENCES :
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CHAMP 7. Contrôle des voies aériennes chez l’enfant enrhumé

Prérequis
Le rhume ou rhinopharyngite est une infection des voies aériennes supérieures. C’est la pathologie pédiatrique la plus commune et la plus fréquente. La majorité des études retiennent comme diagnostic positif la présence d’au moins deux des symptômes suivants : hyperthermie inférieure à 38.5°C, asthénie, maux de gorge (pharyngite), rhinorrhée antérieure ou postérieure, éternuements, toux non productive et laryngite. La physiopathologie des infections des voies aériennes supérieures conduit globalement à une hyperréactivité bronchique dont le mécanisme est plurifactoriel. La présence de ce type d’infection majore de façon significative le risque de complications respiratoires susceptibles d’émailler les différentes étapes de l’anesthésie d’un enfant. L’hyperréactivité bronchique interagit avec l’anesthésie en provoquant la sensibilisation des voies aériennes supérieures aux gaz halogénés et aux stimulations de l’oropharynx. Leur évolution est habituellement favorable, cependant elles peuvent mettre le pronostic vital en danger. Les complications respiratoires rencontrées sont essentiellement le bronchospasme et le laryngospasme.

R10 – Chez l’enfant enrhumé, il est recommandé d’utiliser le masque facial si le degré d’urgence, le type et la durée de la chirurgie le permettent. (Grade 1+) Accord FORT

ARGUMENTAIRE : Le choix du dispositif de contrôle des voies aériennes dépend de multiples facteurs (urgence ou non, type et durée de la chirurgie) chez l’enfant sain comme chez l’enfant enrhumé. Toutes les études, prospectives descriptives chez l’enfant sain et enrhumé confondu(1-3), prospectives descriptives chez l’enfant enrhumé (4-5) ou rétrospectives (6), s’accordent sur l’effet protecteur du masque facial contre les complications respiratoires comme dispositif de contrôle des voies aériennes chez l’enfant enrhumé.
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PAS DE RECOMMANDATION : Chez l’enfant enrhumé, dans les situations où le masque facial n’est pas utilisable, il n’est pas possible de formuler de recommandation quant à l’usage préférentiel du masque laryngé ou de la sonde d’intubation.

ARGUMENTAIRE : Si le masque facial ne peut être utilisé, les arguments pour choisir entre le masque laryngé et la sonde d’intubation ne permettent pas d’établir de recommandation chez l’enfant enrhumé. En effet, si le masque laryngé semble être moins pourvoyeur de désaturation, sa supériorité par rapport à l’intubation n’est pas démontrée pour le risque de laryngospasme et apparait discutée pour le risque de bronchospasme (1,2). Même si le masque laryngé est largement utilisé chez l’enfant enrhumé(3), le risque de déplacement (4) et de non protection des voies aériennes en cas de stimulation chirurgicale à un niveau d’anesthésie inapproprié (5) doit être pris en considération.
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R11 – Chez l’enfant enrhumé, avant l’âge de 6 ans, il est probablement recommandé de réaliser une nébulisation de salbutamol avant l’anesthésie générale. (Grade 2+) Accord FORT

ARGUMENTAIRE : Cette recommandation s’appuie principalement sur une étude prospective (1) incluant 400 enfants enrhumés et dont plus de 70% ont été anesthésiés avec un masque laryngé : 200 ont reçu un aérosol de salbutamol et 200 aucun aérosol dans les 30 minutes précédant l’induction. Le groupe salbutamol présentait une incidence diminuée d’environ 50% de toux et bronchospasmes per-anesthésiques, avec également une tendance en faveur de la diminution de l’incidence de laryngospasme. Une étude similaire (2), avec un effectif similaire mais dans laquelle les enfants étaient âgés de plus de 6 ans et chez qui un masque laryngé a été utilisé, n’a pas retrouvé ce bénéfice de la prémédication au salbutamol. Il faut noter que dans cette étude, seul un quart des enfants avaient présenté une infection des voies aériennes supérieures dans les deux semaines précédant le geste, et que le masque laryngé était retiré à l’éveil complet de l’enfant, ce qui augmente le risque de toux.
Par ailleurs la nébulisation de salbutamol est une thérapeutique non invasive, non douloureuse, et peu coûteuse, qui n’est pas associée à la survenue d’effets secondaires délétères. D’autres études viennent appuyer cette recommandation : le salbutamol a permis de minimiser l’augmentation des résistances des voies respiratoires après intubation chez des enfants porteurs d’un asthme modéré comparé à un placebo (3). Une étude chez des adultes présentant une hyperréactivité bronchique (pathologie obstructive type asthme) a montré une amélioration des EFR dès le premier jour de traitement par salbutamol, prescrit en préparation d’une anesthésie générale (4). Deux revues de la littérature pédiatrique portant sur l’enfant enrhumé concluent également à l’intérêt des nébulisations de salbutamol dans ce contexte (5,6). La dose recommandée de salbutamol est de 2,5 mg pour les enfants dont le poids est inférieur à 20 kg, et de 5 mg pour les enfants dont le poids est supérieur à 20 kg.
REFERENCES :
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R12 – Chez l’enfant enrhumé, il n’est probablement pas recommandé d’administrer à l’induction de la lidocaïne (IV ou locale) pour diminuer l’incidence des complications respiratoires. (Grade 2-) Accord FORT

ARGUMENTAIRE : L’efficacité de la lidocaïne en application locale (en spray) au moment de l’induction est en effet controversée. Les méta-analyses incluant des études anciennes sont en faveur de son utilisation chez l’enfant sain (1,2) alors que deux études descriptives prospectives la décrivent comme un facteur de risque de désaturation (3), de laryngospasme et de bronchospasme (4), mais sans proposer d’analyse en sous-groupe chez l’enfant enrhumé. La qualité des essais randomisés contrôlés réalisés chez l’enfant enrhumé (5,6) apparait trop faible pour permettre d’établir des recommandations dans cette population. On ne retrouve en revanche pas d’étude négative pour la lidocaïne par voie intraveineuse. Son intérêt a été démontré chez l’enfant sain pour prévenir la survenue d’un laryngospasme expérimental sur masque laryngé (7). Son intérêt dans la prévention du laryngospasme à l’extubation a été confirmé dans 2 méta-analyses (1,2) chez l’enfant sain ou à risque de complications respiratoires périopératoires (8,9). Toutefois, l’effet de la lidocaïne IV chez l’enfant enrhumé n’a pas fait l’objet d’études randomisées contre placebo. La seule étude réalisée chez l’enfant enrhumé comparait la lidocaïne IV vs locale sous forme de gel appliqué sur le masque laryngé avant sa pose et ne montrait pas de différence significative (5). En l’absence d’étude négative, l’utilisation de la lidocaïne à la dose de 1 à 1,5 mg/kg en IV chez l’enfant enrhumé ne peut donc être proposée que par extrapolation à son effet protecteur chez l’enfant sain. Son effet de courte durée suggère une utilisation dans les 5 minutes avant l’extubation (2,7). Les doses d’anesthésiques locaux injectés pour la réalisation d’anesthésies locorégionales ou pour réduire la douleur lors de l’injection du propofol doivent être prises en compte afin de ne pas conduire à un surdosage en anesthésiques locaux. Des études complémentaires chez l’enfant enrhumé sont nécessaires pour préciser la place de la lidocaïne.
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AVIS D’EXPERTS :

Les experts en charge des recommandations ont émis cinq avis d’experts avec leurs argumentaires.

1 – Lors d’une intervention pour adénoïdectomie, les experts suggèrent de protéger les voies aériennes avec une sonde d’intubation à ballonnet. Avis d’experts

ARGUMENTAIRE : Il n’y a pas de recommandation antérieure sur les modalités de gestions des voies aériennes dans l’adénoïdectomie. Une enquête de pratique publiée en 2012 décrit l’utilisation du masque laryngé et de l’intubation trachéale dans respectivement 7 et 26% des cas (1). La littérature évaluant le masque laryngé versus l’intubation trachéale, de qualité médiocre, comporte 4 études observationnelles non comparatives de cohortes (2-5) et deux études prospectives randomisées. Celle de Serpina (6) inclut amygdalectomie et adénoïdectomie avec une analyse en sous-groupe en fonction de la chirurgie, avec un petit nombre de patients (23 dans groupe intubation trachéale avec ou sans ballonnet et 31 dans groupe masque laryngé). L’incidence de l’hypoxémie et des complications respiratoires est
comparable mais celle de la toux est supérieure avec l’intubation trachéale (48% versus 3%). De multiples biais la rendent peu contributive (analyse en sous-groupe incomplète, pas de randomisation de la présence ou non du ballonnet, pas de calcul du nombre minimal de patients, mode ventilatoire peropératoire variable, pas d’information sur les modalités de retrait). L’étude d’Aziz et Bashir (7) retrouve une incidence plus faible de toux, de stridor et de laryngospasme mais n’inclut pas d’enfants de moins de 10 ans). La pratique de l’adénoïdectomie au masque facial est une technique spécifiquement française, qui était utilisée par 67% des anesthésistes en 2010 et majoritairement en secteur libéral. Elle est probablement actuellement appliquée à une proportion élevée d’adénoïdectomie. S’agissant d’une particularité française, il n’y a aucune étude comparant masque facial versus anesthésie avec contrôle des voies aériennes par masque laryngé ou intubation trachéale.
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1. Constant I, Louvet N, Guye ML, Sabourdin N. General anaesthesia in children: a French survey of practices. Ann Fr Anesth Reanim 2012;31:709-23 (French)
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7. Aziz L, Bashir K. Comparison of armoured laryngeal mask airway with endotracheal tube for adenotonsillectomy. J Coll Physicians Surg Pak. 2006;16:685-8.

2 – Les experts suggèrent de ne pas pratiquer de pression cricoïdienne lors de l’induction à séquence rapide chez l’enfant pour diminuer l’incidence des complications respiratoires. Avis d’experts

ARGUMENTAIRE : La pression cricoïdienne appelée manoeuvre de Sellick a été décrite par Sellick en 1961 chez l’adulte pour la technique d’induction à séquence rapide pour éviter une inhalation. En pédiatrie, les études sur l’incidence des inhalations per anesthésiques rapportent des inhalations malgré la réalisation d’une pression cricoïdienne (1). Différentes enquêtes montrent que la pression cricoïdienne est peu pratiquée par les anesthésistes pédiatres (2) et une méconnaissance de la technique. Peu d’études ont été réalisées chez l’enfant sur la pression cricoïdienne, avec des objectifs principaux différents. Une seule a évalué son efficacité sur le reflux d’une solution saline de l’oesophage vers le pharynx lors d’une pression de 100 cmH2O sur 8 cadavres et 6 enfants sous anesthésie générale (3). La principale limite de cette étude est le faible effectif. Moynihan a montré que l’application d’une pression cricoïdienne permettait une ventilation jusqu’à 40 cmH2O sans insufflation gastrique (évaluée par auscultation gastrique) chez 59 enfants (4). Les conséquences sur les voies aériennes de l’application d’une pression cricoïdienne ont été étudiées par Walker (5). La force moyenne entrainant une distorsion de la trachée était < 10 newton chez les moins de 8 ans et < 15 pour les plus de 8 ans. Cependant cette étude a été réalisée chez un faible effectif et n’évaluait pas les conséquences sur les conditions de la laryngoscopie. Une revue de la littérature chez l’adulte a montré l’absence de preuve scientifique de l’efficacité de la pression cricoïdienne (6). Les études d’imagerie montrent que la pression cricoïdienne entraîne un déplacement paramédian de l’oesophage par rapport à la trachée dans une proportion non négligeable d’enfants et qu’en réalité c’est l’hypopharynx qui est partiellement comprimé (7). La pression cricoïdienne ne comprime que l’hypopharynx et ne protège donc pas les voies aériennes d’une inhalation du contenu gastrique. Cependant, elle permet de ventiler au masque facial en diminuant le risque d’inflation gastrique. En cas de situation à risque d’inhalation (« estomac plein »), il est recommandé de décomprimer l’estomac avec une sonde gastrique avant une induction en séquence rapide. Aucune recommandation ne peut être faite pour ce qui concerne le fait de laisser ou non la sonde gastrique en place pour lors de l’induction en séquence rapide. Le praticien doit garder à l’esprit que – la présence d’une sonde gastrique ne diminue pas l’efficacité de la pression cricoïdienne (4) – si la sonde gastrique est laissée en place, il faut en laisser l’extrémité distale ouverte à l’atmosphère afin qu’elle puisse servir de soupape de décharge en cas d’insufflation gastrique. De plus, la présence d’une sonde gastrique diminue l’étanchéité du masque facial sur le visage et peut gêner l’intubation. En Allemagne, la pression cricoïdienne ne fait plus partie des recommandations sur l’induction de l’anesthésie des enfants à risque d’inhalation (8).
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7. Smith KJ, Dobranowski J, Yip G, Dauphin A, Choi PT. Cricoid pressure displaces the esophagus: an observational study using magnetic resonance imaging. Anesthesiology 2003;99:60-4.
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3 – Lors d’une induction en séquence rapide, les experts suggèrent de ventiler l’enfant au masque avec une FiO2 ≥ 0,8 et de faibles niveaux de pression de ventilation (justes suffisants pour soulever le thorax et éviter une insufflation gastrique, idéalement < 15 cmH2O) dès que la SpO2 est inférieure à 95%, afin de diminuer le risque d’hypoxémie durant l’intubation et immédiatement après. Avis d’experts

ARGUMENTAIRE : La tendance actuelle est de proposer une « séquence d’induction rapide contrôlée » ou « adaptée à la pédiatrie » ou « modifiée » pour diminuer les risques d’hypoxémie, de complications hémodynamiques et d’intubation difficile. En raison notamment de la difficulté à effectuer une préoxygénation efficace, du ratio ventilation alvéolaire/CRF plus élevé chez les enfants comparé à l’adulte et de la consommation d’oxygène plus importante du petit enfant, l’hypoxémie intervient souvent avant que le bloc neuromusclaire soit complet dans la séquence d’induction rapide classique (1-3). Cette séquence d’induction rapide contrôlée utilise une préoxygénation, une anesthésie profonde avec un morphinique, un agent hypnotique, un des curares non dépolarisants classiquement utilisés en pédiatrie et une ventilation avec un faible niveau de pression avant la laryngoscopie (2,4). Des études rétrospectives de cohorte ont montré une moindre incidence des épisodes d’hypoxémie et des complications hémodynamiques associées ainsi que des difficultés d’intubation (par obtention d’une curarisation complète au moment de la laryngoscopie). Elles n’ont pas mis en évidence d’épisodes d’inhalation pulmonaire (2). Par conséquent, pour certains auteurs, le débat entre succinylcholine et rocuronium est devenu obsolète puisque la séquence d’induction rapide classique doit être abandonnée au profit de cette séquence modifiée excepté peut-être dans la chirurgie pour saignement post amygdalectomie (2,5). Aucune étude prospective randomisée n’a étudié cette « séquence modifiée » excepté en simulation (6). Certaines sociétés savantes ont cependant déjà recommandé cette séquence modifiée pour améliorer la sécurité du patient car le risque d’hypoxémie durant l’induction en séquence rapide classique est supérieur au risque d’inhalation pulmonaire durant la séquence d’induction modifiée (2,6).
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4 – Les experts suggèrent d’extuber un enfant difficile à intuber après réveil complet, après une ventilation spontanée en O2 100% pendant au moins 3 minutes, sous monitorage complet, en présence d’un aide compétent et d’un chariot de matériel d’intubation difficile. Les experts suggèrent d’extuber sur un guide échangeur creux (GEC) un enfant chez qui on suspecte une extubation à risque. Avis d’experts

ARGUMENTAIRE : L’extubation d’un enfant difficile à intuber est un événement rare qui doit être programmé et réalisé dans des conditions optimales de sécurité, en suivant une stratégie d’extubation prédéfinie par l’équipe médico-chirurgicale en charge du patient et en anticipant l’éventualité d’une ré-intubation. (1-3) L’incidence d’une intubation difficile est estimée entre 2 et 5 pour mille d’une population pédiatrique lors d’une anesthésie
générale (4). Dans un travail rétrospectif portant sur 99 712 patients anesthésiés, sur un collectif de 137 patients aux voies aériennes difficiles intubés puis extubés moins de 6 heures avant la fin de l’acte chirurgical, Jagannathan et al. notent 95% de réussite de l’extubation, soit à l’issue d’une « extubation simple », soit après recours à une « technique intermédiaire », ventilation sur un masque laryngé, extubation sur un guide échangeur creux, ventilation non invasive par CPAP, BiPAP ou canule nasale à haut débit de gaz (5). Dans cette étude, l’extubation est un échec dans 5% des cas, nécessitant une ré-intubation. Deux arrêts cardiaques et une trachéostomie en urgence sont rapportés. Par contre, les dossiers d’enfants trachéotomisés d’emblée ou ventilés plus de 6 heures en post opératoire n’étaient pas analysés.
La réussite de l’extubation peut également être compromise chez un patient initialement facile à intuber, qui, à l’issue d’une chirurgie ORL, maxillo-faciale ou rachidienne présente des modifications anatomiques, un oedème cervico-facial, une lésion des nerfs laryngés récurrents, une instabilité ou une immobilité du rachis cervical. Dans ce cas et avant l’extubation, un examen sous anesthésie générale doit éliminer tout élément impactant la liberté des voies aériennes et toute modification des « critères d’intubation » : limitation de l’ouverture buccale, oedème ou hématome lingual, pharyngé ou laryngé, déformation des voies aériennes, présence de caillots sanguins. En fonction de la chirurgie et des possibilités d’ouverture buccale, un simple examen clinique de la cavité buccale et du pharynx, une laryngoscopie directe ou indirecte par vidéolaryngoscopie, une fibroscopie seront réalisés à la recherche de ces éléments (2). Cette évaluation doit conduire à retarder l’extubation si une régression des signes défavorables est attendue à court terme. La pose d’un guide échangeur creux est envisagée lorsque l’extubation est à risque du fait d’une difficulté d’exposition laryngée connue ou suspectée à l’issue de la chirurgie. L’extubation sur guide échangeur creux 8Fr, 11Fr et 14Fr a été réalisée chez le nourrisson et l’enfant. Ces guides sont bien tolérés et facilitent la ré-intubation si elle s’avère nécessaire (6). Chez l’adulte, les complications d’une éventuelle ré-intubation telles hypoxie et bradycardie mais également recours à des techniques de sauvetage sont moins fréquentes lors de l’utilisation de ce type de guide (7). La position intra-trachéale du guide est vérifiée par le recueil de CO2 expiré à l’extrémité proximale, la graduation mesurée à la commissure labiale doit être identique à celle de la sonde d’intubation afin d’éviter une position trop distale du guide et un traumatisme broncho-pulmonaire. L’oxygénation sur le guide par débit continu d’O2 comme la ventilation conventionnelle ou la jet-ventilation a été rapportée mais doit être limitée à la période de ré-intubation pour limiter le risque de barotraumatisme (8,9) La pose d’un masque laryngé est décrite comme technique intermédiaire d’oxygénation et de ventilation entre l’extubation et le retour à l’autonomie respiratoire (3,4,10). La corticothérapie, par administration de doses répétées pré et post extubation de dexaméthasone IV, a fait la preuve de son efficacité pour diminuer l’incidence de stridor et de ré-intubation chez les nouveaux nés à risque d’oedème laryngé en raison d’une intubation traumatique ou répétée mais chez l’enfant l’effet n’est pas clairement démontré (11). Un test de fuite négatif (absence de fuite ballonnet dégonflé ou fuite <12% VE), augmente le risque d’oedème laryngé, de stridor post extubation et le risque de ré-intubation (1). Un stridor post extubation secondaire à un oedème laryngé peut relever d’un traitement par aérosol d’adrénaline (comme recommandé pour le traitement des laryngites de l’enfant). L’efficacité de cet aérosol est rapide (30 minutes) mais transitoire (2 heures), nécessitant une surveillance en SSPI ou USI et une éventuelle ré-administration (12). Si l’extubation est à risque du fait d’une anomalie laryngée (anomalie connue, traumatisme lors de l’intubation, chirurgie laryngée) un avis ORL doit être sollicité, l’extubation ayant lieu en salle d’endoscopie après évaluation des lésions par l’ORL. Si un scénario « CICO » (Cannot Intubate Cannot Oxygenate) ou l’impossibilité de ré-intuber ou d’oxygéner est redouté au moment de l’extubation (13), la présence d’un chirurgien ORL ou d’un praticien entrainé à la réalisation d’une trachéotomie est justifiée (14-16).
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5 – Chez l’enfant enrhumé, les experts suggèrent de ne pas utiliser le desflurane. Avis d’experts

ARGUMENTAIRE : Cette recommandation est basée sur des études mettant en évidence une augmentation des résistances des voies aériennes associée à l’usage du desflurane, en comparaison avec le propofol et le sévoflurane. L’une de ces études concerne une population pédiatrique âgée de 1 à 6 ans, porteuse d’une hyperréactivité bronchique (enfants enrhumés et/ou asthmatiques) (1). Par ailleurs, une autre étude pédiatrique met en évidence une diminution de la réactivité des voies aériennes sous-glottiques associée à l’usage du sévoflurane comparé au propofol (2). Il est impossible de formuler de recommandation quant à l’agent d’induction préférentiel, qui doit être choisi au cas par cas. Le propofol a montré sa capacité à diminuer la réactivité laryngée (mais non sous-glottique), comparé au sévoflurane. Propofol et sévoflurane ont donc des propriétés complémentaires, ce qui pourrait suggérer l’intérêt de leur association pour l’induction de l’enfant enrhumé. Différentes revues de la littérature se prononcent toutefois en faveur du sévoflurane dans cette indication (3,4). Quelle que soit la technique d’induction choisie, il faut rappeler que plus l’enfant présente de facteurs de risque de complications respiratoires, plus il est intéressant de discuter la pose d’une voie veineuse avant l’induction.
REFERENCES :
1. Von Ungern-Sternberg BS, Saudan S, Petak F, Hantos Z, Habre W. Desflurane but not sevoflurane impairs airway and respiratory tissue mechanics in children with susceptible airways. Anesthesiology. 2008;108:216-24.
2. Oberer C, von Ungern-Sternberg BS, Frei FJ, Erb TO. Respiratory reflex responses of the larynx differ between sevoflurane and propofol in pediatric patients. Anesthesiology. 2005;103:1142-8.
3. Tait AR. Upper airway infection and pediatric anesthesia: how is the evidence based? Curr Opin Anaesthesiol. 2002;15:317-22.
4. Tait AR, Malviya S. Anesthesia for the child with an upper respiratory tract infection: still a dilemma? Anesth Analg. 2005;100:59-65